La fin de son ère

Il y a quelques jours, j'ai voulu enfiler la petite robe bleue achetée 20 ans auparavant. Une poche sur la poitrine, de fines bretelles croisées dans le dos, coupée au dessus des genoux. Ce matin là j'avais failli m'en séparer j'avais vieilli. finalement, pour jeter un sort au temps qui file, hier je me suis glissée à l'intérieur, avec délice. Les années ne m'ont pas suffisamment amoché pour que je renonce

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Main dans la main, Charlie et moi nous sommes aventurés sous le soleil matinal, chaud déjà.

A quelques rue, le bureau de poste du village fait de la résistance soutenu par quelques habitants, contre une probable fermeture. Dans la boîte, quelques photos récentes des enfants, elles partiront vers là où je suis née, où ma mamie est restée, trop loin pour voir grandir ces petits qui par le sang sont aussi un peu les siens.

J'avais si chaud, Charlie transpirait, ses joues étaient roses et ses yeux si bleus.

J'ai pensé que demain il retrouverait son frère et sa sœur, je me suis demandé s'il avait hâte.

Quand est venu la fin de la sieste, j'avais terminé de coudre la jolie blouse que nous offriront à ma maman demain.
J'ai pensé à ces 15 derniers jours rien qu'avec lui, mon dernier né, et comme pour rattraper toutes les fois où je lui ai dit "pas maintenant", "attend", j'ai eu envie de lui donné le reste de ma journée.

Nous nous sommes arrosés, puis câlinés. Nous avons dansé, mangé du chocolat aussi...

Lorsque son papa est arrivé, il était seul à courir vers lui, à se blottir.

Sur le chemin qui mène à la grande maison de la mytilicultrice, ses petites mains ont trouvé les nôtres, puis ont caressé mon dos sous ma blouse pendant une promenade à vélo tardive.

Au bord de la rivière ses regards cherchaient l'attention, toute l'attention, celle que d'habitude il n'a pas toute entière. 

J'ai pris le temps de scruter son sourire, d'écouter les intonations de sa voix quand il s'applique à dire "Bateau sur l'eau","tracteur", "escalier".
Je me suis assise pour l'observer dans ses courses, les épaules fixes, juste les pieds qui s'agitent. Sa façon de mettre ma main sur son ventre pour aller vers le sommeil, et la musique qu'il préfère pour bercer ses nuits.  Juste écouter quel petit garçon il devient et tout ce qu'il a à me dire.