Maraboutée

Il a fait chaud toute la journée, 28°c encore vers 16h30 en rentrant de l'école. Ils sont allés droit vers le jardin éparpillant leurs vêtements comme le petit-poucet dispersa ses cailloux. En temps normal, je me serais assise sur un de ces fauteuils rouge pour mieux les observer, mais cette fois c'est elle qui m'observait. Pour être plus précise elle me hantait depuis 3 jours. La machine à coudre. Plus qu'un élastique, un ourlet au pantalon de Zoé pour le défilé du lendemain. J'ai longtemps cru que mes talents de couturière se limitaient aux lignes droites (presque) des taies d'oreillers. Je considérais la couture comme un plat en sauce pour lequel je n'aurais pas suivi la recette à l'ingrédient prés. Mais j'ai dû me rendre à l'évidence en fait de plat la couture serait plutôt une pâtisserie. Les dosages sont savants et mathématiques. Moi, j'ai toujours préféré la philo donc de toute évidence je ne serai jamais une grande couturière (en même temps à 36 ans...) Si j'ai toujours eu maximum 4 / 20 de moyenne en maths je sais mon cerveau capable de logique quand on lui donne du temps! Moral à fond, 3 jours, 1 jupe vichy jaune citron, 1 pantalon large en lin naturel, 1 blouse en vichy gris. Occupée à refermer au fil noir, jaune, blanc les plaies de mon incapacité passée à calculer, j'avais mis de côté mon objectif et laissé s'épanouir ces moments de vie. Ce soir là, j'ai voulu écrire. J'ai ouvert mon gros cahier, pris mon stylo noir. Les enfants dormaient, le silence régnait, par la fenêtre, j'ai entendu le chant des grenouilles qui copulent, j'ai senti l'air encore humide et frais comme la première inspiration du matin.